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EnquêteDans les années 1990, les Etats-Unis, berceau du hip-hop, constituaient le graal pour les amateurs de rap. Aujourd’hui, des stars comme Aya Nakamura, Youssoupha ou Jul ne se sentent plus grand-chose en commun avec leurs homologues nord-américains et se tournent plutôt vers le Japon ou l’Afrique.
Il y a quelques années à peine, c’était impensable. Pour un fan de rap, il fallait, un jour ou l’autre, partir en pèlerinage dans le berceau de la culture hip-hop, à New York ou Los Angeles, pourquoi pas Atlanta ou Miami. Il fallait en revenir après avoir dévalisé les magasins de streetwear de Manhattan ou du centre commercial de Fulton Street, à Brooklyn, en ayant passé des heures sur Melrose Avenue, à Los Angeles, à dénicher les tee-shirts vintage du groupe de gangsta rap NWA (Niggaz Wit Attitudes), à fouiller pendant des heures dans les bacs à vinyles d’Amoeba Music.
Impossible de revenir en France sans avoir été au moins une nuit au club Tunnel à New York, et y avoir croisé des rappeurs célèbres, impossible aussi de ne pas avoir regardé des heures entières des matchs de basket de rue à Spanish Harlem. Il fallait avoir risqué sa peau en roulant, l’auto-radio à fond, sur Crenshaw Boulevard, artère de Los Angeles infestée de gangs. Il fallait aller aux États-Unis et en revenir plein d’anecdotes.
La scène rap américaine ne fait plus rêver…
Aujourd’hui, vous tombez des nues quand vous vous entretenez avec un des plus gros succès du rap français de cette fin d’année 2020. Kalash Criminel vient de publier son deuxième album, Survie, et donne des interviews au téléphone depuis l’Allemagne, où il séjourne et dont il dit apprécier le mode de vie. « Avant le confinement, j’étais invité aux Etats-Unis par un cousin basketteur, raconte-t-il. Avec les restrictions liées au Covid-19, le voyage a été annulé. Ça ne m’a fait ni chaud ni froid. » Un rappeur français qui rechigne à traverser l’Atlantique, et préfère l’Allemagne, c’est possible en 2020.
C’est que la scène rap nord-américaine ne fait plus rêver la France. Dans les années 1990 et 2000, les hit-parades hexagonaux étaient remplis de morceaux venus des Etats-Unis. Coolio, Eminem et tant d’autres ont composé la bande-son de nombreux adolescents frenchies. Ils ont imposé la « musique urbaine » (qui regroupe le rap, mais aussi le R’n’B et d’autres genres issus des Etats-Unis), comme une musique à part entière. Un genre qui est aujourd’hui le courant majoritaire en France. Sauf que, entre-temps, il est devenu français.
Dans le classement des cent albums les plus écoutés en 2020, tous genres confondus, établi par le Syndicat national de l’édition phonographique, on compte plus de soixante artistes de rap et R’n’B hexagonaux. Le rappeur Eminem, qui a sorti son onzième album en janvier, se hisse péniblement à la 105e place. Le premier nord-américain de la liste, The Weeknd, arrive à la 21e place. Avant lui, quasiment uniquement des musiciens urbains français : Aya Nakamura, Ninho, Maes, Nekfeu, Soprano, Hatik, PNL, Damso, Jul… Du côté des singles, même phénomène. Et si le Blinding Lights de The Weeknd arrive premier, il est suivi par les morceaux de Heuss l’enfoiré, Jul, Bosh ou Soolking…
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