« Je me réveille et je ne sais pas où je suis. Il y a cinq ou six mecs autour de moi. Je reconnais des serveurs du bar de l’hôtel, avec qui on avait sympathisé la veille. Et puis, je sens. L’un d’eux, un grand, a ses doigts à l’intérieur. Je me dis qu’il faut que je bouge, mais je n’y arrive pas. J’arrive juste à dire non. Ils rigolent. Et puis, c’est de nouveau le trou noir. » L’histoire remonte à 2012 et se déroule à Barcelone, à plus de 1 000 kilomètres de cette terrasse d’un bar de la place Flagey, à Bruxelles, où Léa (le prénom a été changé à sa demande) vient de commander une bière. Mais c’est un mouvement de contestation né en Belgique, il y a un mois, qui lui a permis de mettre des mots sur son vécu.
« Je me suis dit que je l’avais cherché, comme j’étais un peu dévergondée. Je n’ai jamais pensé que ces mecs étaient dégueulasses, que j’avais été droguée ou victime d’une agression sexuelle. Jusqu’à #balancetonbar », explique d’une traite cette jeune femme, comme pour ne pas laisser le froid transformer ses paroles en buée. Ou la culpabilité s’installer.
En Belgique, depuis la création, mi-octobre, de la page Instagram Balance ton bar, les témoignages sur des cas d’intoxication au GHB, la drogue du viol, et de violence sexuelle subie dans des bars, affluent, poussant plusieurs collectifs féministes à s’unir pour exiger un changement politique, juridique, sociétal. « Nous ne pouvons que constater qu’il ne s’agit plus de faits isolés, mais bel et bien de violences sexuelles systémiques », déclare l’Union féministe inclusive et autogérée (UFIA).
Dans une lettre adressée, lundi 8 novembre, aux dix-neuf communes de Bruxelles, cette organisation tout juste créée pour l’occasion, demander des mesures, comme la sensibilisation des acteurs de l’événementiel et la mobilisation de la police. « Nous n’arrêterons pas tant que des actions concrètes ne seront pas prises », prévient-elle. Après une manifestation qui a rassemblé 1 300 personnes, un appel au boycottage des bars a été lancé pour ce 12 novembre.
Conseils pour « éviter les problèmes »
Tout est parti d’un message relayé début octobre sur les réseaux sociaux, qui assure que deux filles ont été « droguées et violées » par un serveur du El Café, un bar du quartier estudiantin du cimetière d’Ixelles. L’affaire est loin d’être élucidée et se trouve dans les mains du parquet de Bruxelles. Reste qu’elle a libéré la parole. « Pouvoir dire que j’ai subi quelque chose de grave, de violent, m’a fait du bien », confie Anna (le prénom a été changé), qui a témoigné de cette soirée de juillet au El Café, durant laquelle elle a été droguée. Rapidement, plusieurs établissements de la capitale, puis du pays, ont été visés. « Ç’aurait pu rester un fait divers local, mais ça s’est immédiatement imposé comme un fait d’actualité », observe la journaliste Marine Guiet, qui enquête sur ce phénomène.
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