Emma Reilly ne se fait aucune illusion sur ce qui l’attend. Les derniers échanges avec son employeur, l’organisation des Nations unies (ONU), et les courriers qui listent ses interactions « sans autorisation » avec la presse trahissent l’imminence de son licenciement. Voilà deux ans qu’on ne lui confie plus aucune mission. Depuis début septembre, cette Irlandaise de 42 ans, rousse aux grands yeux bleus derrière ses lunettes à monture noire, n’a plus accès à ses courriels professionnels. C’est le prix à payer pour avoir dénoncé les passe-droits que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH) a accordés à la Chine sous la pression.
Il y a une dizaine d’années, pourtant, décrocher cet emploi d’« agent des droits de l’homme » au sein de l’institution genevoise l’avait comblée de fierté. Après des études de mathématiques et de droit, un passage dans une ONG contre la torture au Danemark, puis dans une autre en Tunisie, elle intègre en janvier 2012 l’immense Palais des nations. Son job : aider à organiser les interventions lors des trois réunions annuelles du CDH.
Sous le plafond aux couleurs pétantes de l’hémicycle, les pays défendent leurs progrès en matière de droits fondamentaux, tandis que d’autres Etats et la société civile leur font des recommandations. Sauf qu’au-delà de l’apparence paisible des lieux, au bord du lac Léman, se livrent des luttes acharnées, notamment entre les régimes autoritaires et leurs dissidents.
Une demande de « faveur »
Emma Reilly est en fonctions depuis tout juste un an lorsque, à l’approche de la session de mars 2013, arrive dans sa boîte mail, et dans celles de ses collègues, un message étonnant d’un diplomate de la représentation chinoise à Genève, qui lui demande de lui faire une « faveur » en confirmant l’information selon laquelle des « séparatistes antigouvernementaux chinois » prévoient de s’accréditer pour assister au Conseil des droits de l’homme. A l’en croire, ceux-ci pourraient représenter une menace pour les Nations unies et la délégation chinoise. Suivent treize noms qu’il faudrait selon lui vérifier, parmi lesquels les Ouïgours en exil les plus connus, Rebiya Kadeer et Dolkun Isa, ainsi que l’avocat des droits de l’homme aveugle qui vient alors de fuir la Chine, Chen Guangcheng, et un ancien leader du mouvement de Tiananmen en 1989, Wang Dan.
La jeune Irlandaise évoque le sujet en interne, et préconise de procéder comme face aux pressions de diplomates turcs obsédés par la venue d’opposants kurdes : demander des précisions sur la réalité de la menace et, au final, se garder de confirmer la venue de ces personnes à Genève.
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