PSG-Basaksehir : « Le racisme doit être pris au sérieux car il met en péril les fondements du football » - Bountiful Hoarde

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Tuesday, December 15, 2020

PSG-Basaksehir : « Le racisme doit être pris au sérieux car il met en péril les fondements du football »

Les joueurs du PSG Neymar (à gauche) et Kylian Mbappé mettent un genou à terre pour dénoncer le racisme lors de la reprise du match contre le club turc de Basaksehir, le 9 décembre 2020, au parc des Princes, à Paris. Les joueurs du PSG Neymar (à gauche) et Kylian Mbappé mettent un genou à terre pour dénoncer le racisme lors de la reprise du match contre le club turc de Basaksehir, le 9 décembre 2020, au parc des Princes, à Paris.

Tribune. Ainsi, un arbitre européen peut désigner un entraîneur africain qui proteste en lui disant : « Toi le Noir ! » Et un autre venir lui mettre un carton rouge sans même essayer de comprendre le pourquoi du comment. Insupportable double peine.

Mardi 8 décembre, sur la pelouse du parc des Princes, Pierre Webo, ex-attaquant de l’équipe du Cameroun aujourd’hui entraîneur adjoint du club turc de Basaksehir, n’a pas supporté que le quatrième arbitre de la rencontre, le Roumain Sebastian Coltescu, utilise le terme de « negru » (« noir », en roumain) pour le désigner. L’incident a créé un précédent inédit, conduisant l’ensemble des joueurs et du staff du Paris-Saint-Germain (PSG) et du Basaksehir à stopper un match de Ligue des champions et à ne pas revenir sur le terrain.

Lire notre récit : « Venez, on sort » : les joueurs de PSG-Basaksehir quittent le terrain, dénonçant les propos racistes d’un arbitre

Une fois encore, certains dissertent et produisent des explications qui aboutissent à des relativisations dont le bruit de fond est encore et toujours le même : « Est-ce si grave ? » « N’en fait-on pas un peu trop ? » Pour moi, la réponse est clairement non. Car cet épisode survient après à une série d’ignominies sur de nombreux terrains d’Europe, qui durent depuis trop longtemps : lancers de bananes, cris de singe et insultes venues des tribunes. Cette fois-ci, l’affront est venu d’un acteur censé garantir et respecter les lois du jeu.

Oui, ce soir-là au Parc, un arbitre a dit « Noir » pour mettre à distance un coach en le désignant par sa seule couleur, comme s’il ne pouvait être rien d’autre. Oui, ce soir-là au Parc, un autre joueur d’Istanbul, Demba Ba, s’est interposé en lançant au quatrième arbitre fautif : « Quand vous parlez d’un homme blanc, vous ne dites jamais “ce type blanc, vous dites simplement “ce type”, alors pourquoi quand vous mentionnez un homme noir, vous ditesce type noir ? » Demba Ba a eu raison de s’indigner. Car désigner un homme par une couleur, c’est lui dénier le droit à une identité.

Un moment historique

Justement, ce sont les principaux acteurs qui ont bloqué une mécanique insidieuse qui, comme d’habitude, pouvait repartir comme si de rien n’était. Mais les joueurs ont dit « non » comme un seul homme. On imagine mal l’arbitre mettre 22 cartons rouges… En retournant au vestiaire, ces joueurs ont refusé de continuer le match et ainsi de cautionner les propos du quatrième arbitre. Ils ont été animés d’un esprit de rébellion initié et encouragé par Rosa Parks lorsqu’elle décida, dans l’Amérique ségrégationniste d’il y a soixante-cinq ans, de ne pas laisser sa place à un voyageur blanc dans un bus.

Dans ma carrière de footballeur, j’ai bien sûr rencontré le racisme, comme la quasi-totalité des joueurs africains ou d’origine africaine évoluant en France. Mais pendant mes années de joueur passées en grande partie au Racing Club de Lens (1991-1997), j’ai surtout croisé des personnes déterminées à refuser le racisme.

Lire aussi PSG-Basaksehir : Pierre Achille Webo et Demba Ba, les footballeurs qui ont dit « non au racisme »

Ce match, abrégé sur décision de 22 joueurs solidaires, fera date : nous avons vécu ce 8 décembre un moment historique et un tournant dans l’histoire du football. Les joueurs, ce soir-là, ont pris leurs responsabilités ; il est important que les instances dirigeantes prennent les leurs. Car cette mobilisation fait écho à l’action des basketteurs de la NBA. Mais avec une différence majeure : les sportifs américains sont soutenus par leur fédération. On en est loin, chez nous, dans le championnat français.

Dans les années 1980 en Angleterre, le hooliganisme a mis en péril l’organisation des matchs de football. La fédération anglaise et les pouvoirs publics ont su réagir et, par une politique coercitive, ont fini par circonscrire ce phénomène dangereux. De la même manière, le racisme, problème structurel, doit être pris au sérieux, en considérant qu’au même titre que le hooliganisme, il met en péril les fondements du football.

Conservatisme toxique

Ce qui vaut pour le racisme s’ancre dans le socle de toutes les autres discriminations, et notamment celles qui ont trait à l’égalité femmes-hommes. Nous devons reconnaître et mettre fin à ce conservatisme toxique qu’on peut aisément constater et retrouver à la tête des instances dirigeantes du ballon rond. Combien de clubs, de ligues ou de fédérations sont dirigés par des femmes ou des personnes issues de la diversité qui constitue ce pays ? Le football et ses instances doivent faire place à une diversité réelle et non pas à du « saupoudrage », comme disait Pape Diouf. Il en va de la survie même de notre sport.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Racisme, droits des minorités : la voix de plus en plus « politique » des sportifs français

Si les organes de tutelle continuent leur politique de l’autruche, il reviendra aux syndicats de joueurs d’organiser la défense de leurs membres victimes d’agressions racistes. Leur impact est tel qu’ils feront bouger les lignes de règlements absurdes, comme le fait de sanctionner un joueur qui sort du terrain ou réplique à des provocations. Des actions fortes comme l’implication récente d’Antoine Griezmann, qui vient de rompre son contrat avec Huawei, accusé de participer à la surveillance des Ouïgours, ou la condamnation de l’agression de Michel Zecler par Kylian Mbappé et ses propos contre les dérives de certains policiers – et non contre la police – prouvent que la nouvelle génération est mûre pour porter les changements nécessaires au football. Et c’est heureux.

Jimmy Adjovi-Boco est un ancien footballeur béninois, qui a notamment joué comme défenseur au RC Lens. Conseiller technique du ministre béninois des sports, il a été membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique mis en place par Emmanuel Macron.



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