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C’est une décision inédite dans l’histoire de la justice sportive. Géant du sport mondial accusé d’une cascade de tricheries et de dopage institutionnalisé, la Russie a été exclue pour deux ans des grandes compétitions internationales, dont deux éditions des Jeux olympiques. La sentence a été prononcée jeudi 17 décembre par le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne.
Elle pourra toutefois faire son retour aux Jeux de Paris en 2024, contrairement à ce que réclamait l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui exigeait une suspension de quatre ans. La Russie s’est réjouie d’une victoire « qui fera date ».
Les sportifs russes pas tous sanctionnés
Après quatre jours d’audience à huis clos au début de novembre, les trois arbitres désignés par le TAS, « cour suprême » du sport mondial, ont rendu leur sentence longue de plus de 180 pages. L’enjeu était lourd pour les sportifs russes. A Tokyo (2021, Jeux d’été) et Pékin (2022, Jeux d’hiver), seuls pourront concourir, sous bannière neutre, ceux qui démontreront leur absence de recours au dopage.
Fondée en 1999 dans la foulée du scandale Festina, l’AMA avait déployé des efforts d’enquête inédits sur ce dossier, et jouait sa crédibilité au moment où les Etats-Unis menacent de lui couper les vivres et viennent d’adopter une loi permettant de mener leur propre croisade mondiale contre le dopage.
Enfin, le Comité olympique international (CIO) et les fédérations attendaient du TAS des directives claires, à sept mois des JO de Tokyo, afin d’éviter la pagaille des dernières années dans le dossier russe.
Juste avant les Jeux de Rio en 2016, l’AMA avait recommandé une exclusion des sportifs russes, refusée par le CIO, tandis qu’à quelques jours de l’ouverture des Jeux de Pyeongchang en 2018, le TAS avait blanchi vingt-huit sportifs russes suspendus à vie par le CIO.
Deux types de manipulation
Mais le cadre juridique est cette fois clair, puisqu’il s’agissait de la validation de la panoplie de sanctions proposées en décembre 2019 par l’AMA – et refusées par l’agence antidopage russe, Rusada –, en raison du trucage des fichiers informatiques du laboratoire antidopage de Moscou pour la période 2011-2015.
Dans son rapport, l’AMA établit deux types de manipulation :
- la suppression des traces de contrôles antidopage positifs
- l’introduction de faux échanges visant à compromettre Grigory Rodchenkov, ex-directeur du laboratoire antidopage de Moscou réfugié aux Etats-Unis et devenu le principal informateur de l’AMA, ainsi que deux de ses adjoints.
Le contentieux russe dure depuis 2010, implique les services secrets et le ministère russe des sports, et a attisé les tensions entre Moscou et les instances sportives perçues comme des instruments de domination occidentale. « On empêche, par des moyens pas très sportifs, nos athlètes d’atteindre les succès qu’ils méritent », lançait encore Vladimir Poutine en octobre.
Série de documentaires
Il y a dix ans, la coureuse russe de demi-fond Yuliya Stepanova et son mari Vitaly, ex-contrôleur de Rusada, avaient alerté l’AMA du dopage institutionnalisé en Russie, puis avaient fini par se tourner vers la chaîne allemande ARD, qui avait diffusé à partir de décembre 2014 une série de documentaires accablants.
Le scandale avait tourné au roman d’espionnage quand Grigory Rodchenkov avait avoué au printemps 2016 avoir orchestré pendant des années la dissimulation du dopage russe en coordination avec le ministère des sports, alors dirigé par Vitali Moutko, un proche de Vladimir Poutine.
Pour tromper les observateurs de l’AMA aux JO de 2014 de Sotchi, avait expliqué le scientifique, son équipe escamotait les flacons d’urine des athlètes russes par un « trou de souris » conduisant à un membre du FSB, les services secrets russes.
L’espion, déguisé en agent d’entretien, descellait le capuchon censé être inviolable avec un outil de chirurgien distordu pour l’occasion, puis remplaçait le contenu par de l’urine « propre » stockée au préalable.
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